Une décennie en dents de scie

Noël et 2020 arrivent à grand pas, une décennie est sur le point de s’achever. Pour les Rennais, cette dernière a été émotionnellement mouvementée, marquée de hauts comme de bas. Les joies cachent des désillusions, les exploits des échecs. Retour sur ces dix années qui ont assurément impacté l’histoire du club et de ses supporters.

Un début convaincant :

Cela avait pourtant bien débuté. Malgré la migraine insistante, d’une finale de Coupe de France perdue face au voisin guingampais en 2009, le Stade Rennais se distingue rapidement. La saison 2010/2011, soldée par une probante 6eme place en championnat, leur permet d’accéder aux tours préliminaires de la C3. Face à eux, se dressent les Géorgiens de Rustavi puis l’Etoile Rouge de Belgrade. Rendez-vous tous deux réussis par les rennais, les qualifiant ainsi pour la phase de poules de la compétition. Au menu ? Le groupe « de la mort » composé de l’historique Celtic, de la redoutable Udinese, une des meilleures formations italiennes de l’époque, et enfin, de l’Atlético, futur lauréat de cette Coupe de l’UEFA. Rennes réalise trois matchs nuls pour autant de défaites. Un bilan honorable compte tenu de la densité affichée, les supporters se souviendront du nul mémorable contre les Colchoneros, au Stade de la route de Lorient, soupoudré du bijou signé Victor Hugo Montano.

Le club surfe sur cette dynamique pour obtenir, à nouveau, la 6eme place de la Ligue 1. Hélas, cette année, cela ne suffira pas pour regoûter aux saveurs européennes… Marseille, seulement 10eme, remporte la Coupe de la Ligue et, de ce fait, accède à l’Europe. Rennes échoue uniquement à une longueur des Girondins classés 5eme. Crispant.

Des désillusions successives :

Les jours heureux s’estompent pour laisser place à une période sombre du club, certainement l’une des pires à vrai dire. La cicatrice de l’échec de 2009, tout juste résorbée, va être intensifiée.

Le 20 avril 2013, Rennes joue une nouvelle finale. En Coupe de la Ligue, cette fois-ci. L’adversaire n’est plus guingampais mais stéphanois. Nouvelle opportunité de soulever un trophée, sésame tant attendu. Les supporters se mettent à espérer, la rédemption est sur le point de survenir. Hélas, l’ASSE, lui aussi fanny depuis moult années (32 ans), est guidé par le but du célèbre Brandao. 1-0 et puis s’en va. Rennes échoue une nouvelle fois au pied du but, un second affront en peu de temps. Surtout une désillusion supplémentaire pour un public sans cesse meurtri.

Et les maux ne s’arrêtent pas là. Printemps 2014, finale de la Coupe de France. Rennes retrouve un vieux démon, le club costarmoricain qui l’avait battu cinq années plus tôt dans ce même Stade de France. L’heure de l’acte 2 mais surtout de la revanche a sonné. Les Rouge et Noir imaginent mettre fin à cette terrible disette. Eh bien non. Guingamp s’impose à nouveau. La petite ville bretonne de 8 000 habitants à peine dicte sa loi, encore une fois. Le club subsiste au fond du gouffre. Trois finales en cinq ans, sans le moindre succès. La réputation de « perdants » qui volait au-dessus du club s’est exacerbée avec ces trois défaites consécutives dans un court laps de temps. Rennes est catalogué, à ses dépens, comme le « club de la lose ». Une image pénible à supporter.

Le calme plat :

La période 2014-2017 constitue une période insipide pour le club. L’arrivée de Philippe Montanier, à l’été 2013, fait pourtant rêver. Le technicien français sort d’une saison où il a terminé 4eme de Liga avec la Real Sociedad, derrière les trois mastodontes transpyrénéens (Barça, Real, Atlético). Une performance qui lui vaudra le titre de meilleur coach de Liga. Cependant, la réalité est tout autre. Malgré une finale à son actif (2014), le casting est raté. Entre résultats décevants, matchs ennuyeux, compositions douteuses et recrutements incohérents et intempestifs, la note est salée. Une défaite calamiteuse en Coupe de France, contre Bourg-en-Bresse en janvier 2016, scellera l’aventure Montanier à Rennes. Un passage dont le club se serait bien passé.

Courbis arrive afin de pallier ce départ. La deuxième partie de saison demeure palpitante. Le club figure dans la course aux places européennes, au podium même, derrière un PSG seul au monde. L’effectif est particulièrement séduisant avec des joueurs tels que Ntep, Costil, Grosicki, Gourcuff ou encore l’énigmatique Quintero. Tout cela emmené par une pépite qui se révèle aux yeux de la planète football, Ousmane Dembélé. Le potentiel est là. Les Rennais impressionnent, notamment avec cette victoire 5-2, au Vélodrome, contre un Marseille malade. A l’issue de la 32eme journée, Rennes se classe troisième derrière Monaco et devant Nice et Lyon. La lutte est serrée, acharnée mais le club bretillien est, plus que jamais, dans la course à l’Europe, et plus si affinités. Les observateurs et surtout les supporters veulent y croire, cette saison est la bonne. Il n’en est rien. Un sprint final catastrophique caractérisé par un bilan de cinq défaites et un nul. Rennes déçoit, une fois de plus. Ce club serait-il condamné à constamment échouer ?

Courbis ne reste pas, Christian Gourcuff débarque. Cet entraîneur, plébiscité pour son passage louable chez le voisin merlu, ne fera guère mieux. Son obstination envers le 4-4-2 agace et ne porte aucunement ses fruits. Le SRFC termine la saison 2016-2017 dans le ventre mou, à une anecdotique 9eme place. En plus de résultats insatisfaisants, les supporters peinent à vibrer en raison de la qualité de jeu déployée.

Le renouveau :

La saison suivante continue en ce sens, jusqu’à un double évènement décisif. René Ruello, président du club vivement critiqué, annonce sa démission à la suite d’une victoire contre Bordeaux. Olivier Létang, ex-directeur sportif du PSG, le remplace. Gourcuff est démis de ses fonctions. Un entraîneur peu expérimenté vient occuper le poste vacant, en la personne de Sabri Lamouchi. C’est à partir de là que les choses vont changer.

Qui a dit que le Stade Rennais était un club de perdants ? En tout cas, la tendance s’inverse. 2018 marque la renaissance escomptée de l’équipe Rouge et Noir.

Par la voie du championnat, le club obtient la 5eme place de la Ligue des Talents, directement qualificative pour l’Europa League. Cette réussite est notamment incarnée par cet exploit au Parc de Princes Rennes terrasse le champion de France parisien, 2-0, pour s’adjuger le ticket européen. Un peuple se remet à vibrer.

L’apothéose :

L’état de grâce se manifeste la saison suivante et notamment lors du printemps 2019, décrit comme lunaire et irréel. En raison de résultats décevants, Lamouchi est remercié. Létang fait appel à un jeune coach du club pour le remplacer, Julien Stéphan. Entraîneur de la réserve, mais également des U19 auparavant, il est appelé pour assurer l’intérim dans un premier temps. Sa faculté à redresser le navire rennais persuade le président de lui laisser les clés du camion. La plus belle page de l’histoire rennaise s’écrira sous sa houlette. Inconstant en championnat, les Rennais vont se démarquer lors des coupes.

En Europe, tout d’abord. Au prix d’une qualification arrachée in extremis au cours du dernier match, contre Astana, Rennes joue les phases à éliminations directe, une première dans son histoire. Mais cela n’est qu’un amuse-gueule comparé à ce qui va suivre.

Rennes concède le nul 3-3 au Roazhon Park face au Real Betis, dans le cadre du match aller des 16eme de finale. Les observateurs s’accordent sur un point : les chances de passer sont minces pour les Rouge et Noir. Seulement, les joueurs n’entendent pas cela de la même oreille. Ils vont aller créer l’exploit en allant gagner 3-1 à Séville, le but de Mbaye Niang scellant la qualification demeure inoubliable.

Derrière en 8eme, Rennes tire les Gunners d’Arsenal, le match aller sera à la maison après un imbroglio inversant le tirage initial. L’autre énorme exploit européen de ce printemps s’écrira ce soir-là. Les Rennais, pourtant mal embarqué, s’imposent 3-1 contre Arsenal. Rennes ne fait plus seulement vibrer ses supporters, mais la France entière. Hélas, la loi du plus fort sera respectée au retour, les Londoniens l’emportant 3-0. Rennes est éliminée mais sort dignement, après une campagne européenne féérique.

L’apothéose de cette folle saison sonnera en ce soir du 27 avril 2019. Une date à jamais gravée dans le marbre. Le Stade Rennais retrouve le Stade de France, 10 ans après le revers de 2009, pour affronter le PSG en finale de la Coupe de la France. Largement outsider, la tâche s’annonce ardue, colossale. D’autant plus que les Parisiens mènent rapidement 2-0. Mais cela était sans compter l’aide du maestro Kimpembe, buteur contre son camp. Le crâne divin d’Edson Mexer permet aux Rennais de revenir au tableau d’affichage. Rennes se bat, poussé par un public présent comme à l’accoutumée, et arrache la séance des tirs au but. Celle-ci s’éternise. Jusqu’au moment déterminant. Nkunku s’élance et propulse le ballon dans le ciel étoilé parisien. C’est fait ! Rennes goûte, 48 ans après, à la saveur succulente d’un trophée. Un peuple fidèle et omniprésent est, enfin, justement récompensé. Les échecs, les déconvenues passées ne sont plus qu’un lointain souvenir. Les scènes de liesse entre joueurs, dirigeants et supporters émergent, une explosion que tout un club escompté depuis tant de temps.

Supporter ce club n’est pas facile tous les jours. Vous serez déçus, attristés, dépités même. Mais l’instant où la roue tourne, le bonheur est si intense, qu’il vaut la peine d’être vécu. Ce club ne laisse pas indifférent, il est strictement à part.

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