Les Reines du Stade : deuxième mi-temps

Deux jours après la première mi-temps de cet article, il est temps de passer la deuxième. Une mi-temps, c’est parfois important pour souffler et repartir de plus belle pour redonner de la voix. Parfois, il est aussi question de passer à la buvette et de faire des rencontres. Depuis lundi soir, c’est un peu tout ça qui se mélange. Depuis les commentaires de notre publication Facebook, nous avons fait la rencontre de Nolwenn, supportrice de longue date qui nous a appris l’existence d’une association de supportrices voilà 20 ans. Maintenant que tout le monde a fait le plein, il est l’heure de retourner à la lecture de cette article pour voir la deuxième mi-temps et fin du match.

Une évolution aussi importante en tribune populaire

Dans le kop, le constat est le même que dans le reste du stade. Des nouveaux visages se montrent à chaque rencontre, toujours dans le but de donner de la voix. Que ce soit dans la tribune Mordelles, au local RCK ou encore lors des déplacements, il est vrai que la proportion de supportrices augmente. Depuis la publication de la première partie de cet article lundi, nous avons fait la rencontre de Nolwenn. Sous le post Facebook, elle mentionnait l’existence d’un groupe de supportrices autour des années 2000. Pour être tout à fait honnête, je n’en n’avais personnellement jamais entendu parler. J’ai donc décidé d’aller un peu plus loin et lui demander quelques infos supplémentaires. Après quelques recherches et son récit, j’ai découvert l’existence des « Red and Black Angels« . Je suis même tombé sur un article de Libération qui interrogeait mon interlocutrice en 1999, à l’aube d’une participation en Intertoto. Ce groupe était en fait une association de supportrices rennaises présentes en tribune Mordelles. Active de 1996 à 2001, l’asso rassemblait une trentaine d’afficionados. Pour information, les « Red and Black Angels » sont d’ailleurs le premier groupe officiel de supportrices dans l’histoire de la première division française. Nolwenn nous raconte la vocation première de ce groupe : « Nous avons voulu montrer que les femmes pouvaient aussi être actrices dans les tribunes. Nous étions très proches du RCK mais n’avions pas voulu être une section.« . Pour communiquer et attirer de nouvelles supportrices, elles avaient leur technique : « A chaque match, on distribuait des flyers aux femmes qui venaient pour les inviter à venir nous rejoindre. Nous avions eu à l’époque les honneurs de Téléfoot, de L’Equipe, de But etc…« . Toutefois, après cinq années d’existence, le groupe s’est dissout : « Le groupe s’est en effet éteint et chacune est partie ailleurs pour ses études ou autre.« . Certaines anciennes membres de ce groupe sont d’ailleurs toujours présentes en Mordelles comme Latifa et Maud nous précise Nolwenn. Elle se réjouit par ailleurs du nombre de supportrices toujours plus croissant : « C’est super de voir de plus en plus de femmes. Ma fille m’accompagne maintenant dans le kop alors que mon mari et mes garçons sont en tribune assisse« .

Côté RCK, Laura et Léa sont aussi très assidues et s’identifient clairement au groupe de supporter. Elles sont d’ailleurs un discours assez similaire. Léa, supportrice invétérée et abonnée au RCK depuis 4 saisons évoque son attachement : « Je pense qu’en étant dans le kop on s’identifie un peu « forcément » au RCK. En effet en étant en Mordelles Bas, l’émotion et l’attachement à notre tribune sont totalement différents des autres. Pendant 90 minutes on chante et saute ensemble, on se tombe dessus à chaque but et on veille aussi un peu les uns sur les autres. C’est une tribune tellement vivante qu’il est, je pense, très dur de ne pas s’y identifier lorsqu’on y fait quelques matchs.« . Son récit est très intéressant et montre la passion et l’atmosphère si particulière qui règne dans la tribune. On dit souvent que ceux qui ne connaissent pas ne peuvent pas comprendre, ici c’est encore plus le cas. Pour Laura, c’est un peu la même chose vu de l’intérieur : « Oui je m’identifie au kop car je viens au stade pour chanter et encourager mon équipe, ma ville, à fond quoi qu’il arrive. Je fais quelques déplacements en parcage. Je ne suis pas une « ultra » mais je viens pas au stade en simple spectatrice, je suis plutôt une sympathisante. Ce qui me plaît dans le kop c’est toute la ferveur populaire qui s’y dégage. Alors malgré le risque de chopper des bleus sur les tibias je m’y sens bien.« . Effectivement, ce sont les risques du métier. Ma cheville s’en souvient d’ailleurs sur le but de Sarr contre Arsenal

Bien qu’elle ne soit pas abonnée au RCK, Manon s’identifie au groupe « pour sa fidélité, son engagement et sa passion. » Elle ajoute ensuite : « C’est vraiment top que de plus en plus de filles aillent dans le kop. ». Enfin, Océane se dit « fière du RCK, et admirative de leur travail. Je suis en face d’eux et ils me fascinent avec leurs chants et leur fougue pendant tous les matchs. C’est un élément indispensable à la bonne marche et la bonne ambiance au Roazhon Park, j’aime bien aller de temps en temps boire un verre au local avant et après les matchs, mais je n’ai pas franchi le cap pour le moment d’être membre du RCK. Mais oui en tant que supportrice je m’identifie un peu au kop, ils nous représentent, et nous représentent même très bien!« .

Des supportrices qui revendiquent leur passion sur les réseaux

Côté réseaux sociaux et notamment Twitter, les supportrices rennaises sont nombreuses. Pourtant, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Il y a quelques années, certains supporters se défoulaient sans vergogne sur les avis féminins en partie. Même si, on le conçoit, les réseaux sociaux ne sont pas forcément un recueil de personnes bienveillantes en tout temps, il s’agit tout de même d’un endroit qui est à la base fait pour dialoguer et partager ses humeurs. Si la communauté rennaise a plutôt bonne image sur les réseaux et en dehors à l’échelle de notre championnat, il n’en demeure pas moins quelques irréductibles assoiffés de haine et de vulgarité qui se croient à peu près tout permis derrière un pseudo et une image de joueur. Certains aux idées un peu trop arrêtées sont encore moins tendres avec les suiveuses du club. C’est en tout cas un constat que partagent nos interviewées, toujours aujourd’hui en 2021.

Mais il s’agit aussi d’un espace de partage et de rencontre, un peu comme au stade. La plupart des supportrices du SRFC se sont d’ailleurs rejointes sur un groupe privé sur lequel elles peuvent échanger et éventuellement prévoir des rencontres avant les matchs. Océane met en avant le point de l’unité : « Sur les réseaux sociaux et notamment Twitter, nous formons une réelle communauté et c’est sympa de partager nos joies, nos peines aussi parfois et nos coups de gueule par moment. Cela crée des liens virtuels et parfois le virtuel devient réalité. Je discute souvent avec Manon, Laura et Louna des supportrices de Rennes et récemment nous avons bu un verre avant le match« . Manon, justement, complète ce propos : « C’est un moyen simple d’échanger, de partager notre passion. Ça m’a permis aussi de faire des rencontres avec qui je partage des verres autour du Roazhon Park et les matchs. C’est un bon moyen de connaître les autres supporters. »

Léa tire le même constat tout en prévenant des risques : « Encore une fois je pense qu’il est aussi important que des femmes soient présentes sur les réseaux, même si on se prend encore beaucoup de remarques sexistes cela reste un bon moyen de rencontrer des personnes géniales avec qui on partage la même passion. Personnellement j’ai fait beaucoup de rencontres grâce aux réseaux, surtout Twitter, que ce soit avec des hommes ou des femmes. Il y a quelques semaines on a d’ailleurs fait un petit groupe entre supportrices pour pouvoir discuter ensemble, aller se boire un verre après un match ou même faire le match ensemble si c’est possible.« .

Ce bilan, c’est aussi celui de Laura : « Forcément, je suis sensible au fait qu’il y ai de plus en plus de femmes au stade. On voit que les mentalités commencent à changer sur le foot et les femmes. J’ai envie de dire qu’être une fille et aller au stade c’est presque enfin normalisé. Cependant sur les réseaux sociaux on voit que le chemin est encore long (…) Twitter c’est un outil qui peut être aussi dangereux que génial. La communauté Twitter rennaise est rigolote, les gens qui parlent du Stade Rennais avec autodérision me feront toujours rire. C’est sympa de lire et d’interagir avec des gens qui ont la même passion que nous et de voir qu’on n’est pas toute seule dans son délire » .

Toutefois pour cette dernière, les réseaux auront eu raison de son cœur lorsqu’un supporter du nom d’Antoine se glissa en 2018 dans ses messages privés avec un « Yop ». Non non, pas la boisson mais bien la formule de salutation un poil désuète (on l’embrasse). Depuis, ils forment l’un des quelques couples emblématiques uni par leur passion Rouge et Noir. Elle l’évoque justement cette rencontre et les autres : « C’est un formidable moyen de faire des rencontres. C’est grâce au Stade Rennais et à Twitter que j’ai pu rencontré Antoine mon copain. On a rencontré plein de gens de la communauté Twitter. Passer du virtuel au réel et partager une bière dans la « vraie » vie c’est vraiment chouette. ». En tout cas, nos deux fans inconditionnels peuvent être fiers de leur histoire.

Leur routine de match

Celle qui arrive la première aux matchs c’est Manon ! Deux heures avant en moyenne nous confie-t-elle. La raison ? « Pour avoir le temps d’échanger et de boire une bière et manger une galette saucisse en compagnie des autres supporters. Ensuite je me rends et tribune et en fonction des horaires et des jours de matchs on retourne autour du stade pour échanger du match et trinquer ensemble« . Pour sa part, Laura a une routine bien précise, elle explique : « Avant d’aller au stade je choisis quel maillot et quelle écharpe je veux mettre. Je vais au stade avec mon copain au moins 1h30 avant le début du match histoire de boire une ou deux bières avec des copains au local ou dans un des bars de la route de Lorient. Selon l’horaire du match je mange ma galette saucisse avant ou après le match. Je rejoins mon frère et on rentre dans le stade pas trop tard pour retrouver nos amis dans le KOP. Ensuite je vais souvent faire un coucou à mes parents qui sont dans la tribune haute. Et le match peut commencer« . C’est ce qu’on appelle une routine bien huilée.

Léa elle aussi arrive plus d’une heure avant le match : « En général j’essaie d’y être environ 1h-1h30 avant, je trouve avec facilité les places que je veux et ça permet d’être présent pour l’échauffement. En général j’y vais en bus (le fameux 14 qui mène au Roazhon Park) voire à pied parfois s’il y a des bouchons ou des problèmes de bus.« . Par ailleurs, elle nous confiait avoir un groupe d’ami(e)s avec lequel elle se réunit pour voir les matchs. Même si son acolyte de toujours Maïwenn n’est plus à ses côtés depuis le début de la saison, Léa continue d’être toujours plus assidue aux performances des Rouge & Noir en attendant le retour de son amie au Roazhon Park.

Océane quant à elle se réunit toujours avec son papa qu’elle regarde à l’image et Dominique, un ami de ce dernier à côté. Elle nous raconte également sa routine : « En temps normal, je rejoins toujours mon papa pour un avant match au Valy autour d’un verre et d’une galette saucisse, ensuite match et après match débrief avec mes deux compères au bar l’Equipe. Et quand je rentre généralement c’est Twitter pour échanger avec les amis Rennais. J’aime cette « routine » au stade qui me font passer des moments privilégiés avec mon père, je ne sais pas si j’aurai eu le même « amour » du SRFC sans lui.« .

Leur meilleur et pire souvenir au Stade

Afin d’aller un peu plus loin dans la connaissance de ces supportrices, nous avons souhaité les interroger sur leurs meilleurs et pires souvenirs au stade. Manon et Laura ont choisi le RennesArsenal de 2019 comme meilleur souvenir. Laura précise : « Sans hésiter le Rennes-Arsenal avec une ambiance incroyable et historique dans le stade. La rareté de ce genre de match en font des souvenirs gravés. Je me rappelle avoir versé une larme sur le troisième but rennais et mon frère a cassé son siège sans faire exprès en sautant dessus. » Océane en a choisi deux. A commencer par un autre match d’Europa League, celui-là un peu plus vieux : « Mon souvenir le plus marquant, celui qui me revient généralement en tête c’est le match d’Europa League en 2011-2012 contre le Celtic, l’ambiance dans le stade avec les supporters écossais était mémorable! Leur chant « Just can’t get enough » est depuis d’ailleurs la musique de célébration des buts du SRFC au Roazhon Park. Et puis le plus beau souvenir est bien évidemment la victoire de Rennes en finale de la coupe de France face au PSG en 2019, entre la victoire et le retour de la coupe le lendemain à Rennes, souvenir indélébile.« . Forcément, c’est un souvenir extrêmement marquant chez tous les amoureux du Stade Rennais.

Pour Léa, son souvenir le plus heureux au Roazhon Park est celui contre Nantes il y a deux saisons lorsque Raphinha offre le 3-2 dans le derby face à Nantes. Un scénario aussi improbable que fou ! Elle appuie son choix : « Même si le match était très compliqué jusqu’au temps additionnel (on perdait à ce moment là quand-même) les émotions ressenties sur les deux buts qui nous permettent de gagner étaient incroyable. Le stade entier était carrément dans un autre monde. Car au final c’est aussi ça la magie du foot, les buts auxquels on ne croit plus, le cœur qui bat sur chaque intervention de la VAR, chaque coup franc« . En quelques mots : la magie du football.

Ce qu’il se passe dans un stade dépasse parfois tout ce à quoi on peut s’attendre et il faut venir le vivre pour s’en rendre compte.

Léa invite tout le monde à se rendre au Roazhon Park.

Du côté des déceptions, il est vrai que les supporters et supportrices rennais(es) en ont eu pour leur compte. Océane nous a sorti un match d’il y a 5 ans. Si je vous dit : Coupe de France, Bourg-en-Bresse, limogeage ? Vous l’avez ? Effectivement, Océane nous a rappelé un sombre soir de janvier 2016, 16e tour de Coupe de France face au club de Ligue 2 à l’époque. Elle déclare après avoir réfléchi un temps : « Je me rends compte que finalement mon pire souvenir de stade je l’oublie plus facilement que le meilleur ! Mon pire c’est certainement la défaite en 16ème de finale de CDF en 2016 face à Bourg-en-Bresse 3 à 1, match catastrophique, par le manque d’implication du collectif.« . On se souvient que Philippe Montanier, coach à l’époque, avait été limogé à la suite de cette humiliation.

Laura est aussi garnie de souvenirs qu’elle aurait préféré oublier avec la Coupe Nationale : « Les finales perdues et la demi finale contre Quevilly sont mes pires souvenirs. Si la question avait été meilleur et pire souvenir avec le Stade Rennais : la finale 2014 face à Guingamp, pas vraiment envie de développer plus… ». J’approuve la remarque, on oublie et on passe.

Le souvenir de Léa a un point commun avec celui d’Océane : il s’agit d’un soir de limogeage, mais un peu plus récent. Elle se remémore le souvenir d’un RennesStrasbourg, défaite 4-1 et fin de l’histoire avec Sabri Lamouchi :  » Mon pire souvenir au stade est sans doute le match contre Strasbourg où l’on perd 4-1 malgré un but de Sarr à la 9e minute, les défaites avec autant de buts font assez mal en général et encore plus quand on y est et qu’on doit rester motivés pour soutenir l’équipe jusqu’à la fin.« . Manon, enfin, avoue que toutes les défaites sont dures à digérer.

Un message à faire passer ?

Pour conclure cet article, nous avons demandé à nos interlocutrices si elles avaient un message à faire passer à celles qui hésitent encore à se rendre au stade pour donner de la voix et supporter leur équipe favorite :

  • Océane : « Il ne faut surtout pas hésiter à venir voir un match au stade Rennais, l’ambiance est belle, nous avons une belle équipe pleine de promesses et la galette saucisse est toujours meilleure quand elle est mangée au Roazhon Park 😉 . Essayer le Roazhon Park c’est l’adopter et si vous êtes de passage, rendez-vous pour un verre au stade avant ou après le match, vous avez mes adresses!« 
  • Léa : « Il ne faut plus hésiter, sautez le pas ! Si vous aimez le football alors il faut venir et vous tomberez très très vite d’amour pour notre club. Et que vous soyez en latérale ou en Mordelles, il ne faut pas hésiter à mettre des messages sur les réseaux et peut-être que d’autres supportrices viendront se joindre à vous. Ce qu’il se passe dans un stade de foot dépasse parfois tout ce à quoi on peut s’attendre et il faut venir le vivre pour s’en rendre compte.« 
  • Laura : « Toutes les femmes sont légitimes de venir. Le stade n’est réservé à personne, femmes, enfants, hommes tout le monde a tout autant le droit de venir. Il ne faut pas hésiter une seconde ! Plus on est nombreuses à se rendre au stade, plus le fait d’être une supportrice de foot est normalisé. »
  • Manon : « Venez les filles, il ne faut pas avoir peur ce sont des moments incroyables et inoubliables à vivre, où on peut échanger, chanter, vibrer tous ensemble. Il n’y a pas de sexe pour supporter et aimer voir un match de football ! Et il faut se rencontrer ! T’es une fille et t’aimes le football ? Mais c’est génial, personne ne doit te juger, vis ta passion à fond !« .

Je crois et j’espère sincèrement que le message aura pu être passé. Si les retombées de la première partie de cet article sont incroyables, il était surtout question de mettre à l’honneur celles qui sont de plus en plus nombreuses toutes les semaines dans les tribunes et outrepasser les préjugés ou les craintes. Parce que des Manon, Laura, Léa ou Océane il y en a beaucoup d’autres au Stade. Des femmes qui assument leur passion et clament leur amour pour le club il y en a des centaines voire des milliers. Elles viennent parfois seules, accompagnées, convertissent leur entourage ou s’embarquent dans des déplacements européens. La vie de supporter est tellement excitante qu’il ne faut absolument pas s’arrêter aux préjugés de l’ancien temps. En parlant d’avancée, il s’agirait d’ailleurs d’enfin sortir des maillots Rouge et Noir taillés pour nos Rennaises. L’objectif de cet article en deux parties était bien entendu de connaître l’histoire de ces quatre supportrices et pourquoi pas susciter des passions au travers de leur témoignage. Alors maintenant, n’hésitez plus : Toutes et tous au Roazhon Park !

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