Une défense, une attaque et rien entre les deux

Le Stade Rennais. Son effectif axial, une partie de l’équipe à rebâtir, des choix à faire, des décisions à prendre, des problèmes à régler. Ici, on s’intéresse particulièrement au milieu de terrain morcelé, taillé en pièces, réduit en miettes. Ce qui était hier, ce qui n’est plus aujourd’hui et ce qui sera demain.

Souvenez-vous de la ferveur

De l’excitation des dernières heures. De ces joutes épiques qu’on se remémore fiévreusement, comme si l’on se sortait doucement d’une poignée de rêves engourdis. En se qualifiant une nouvelle fois pour la Ligue Europa, et le tout avec autorité, Rennes s’asseyait à la table des ténors de Ligue 1 et montrait les dents. Désormais, rencontrer les Rouge et Noir devenait un défi, presqu’un exploit pour certains.

Bref, la saison 2023/2024 s’annonçait sous les meilleurs auspices. Le Stade Rennais louvoyait dans la cour des grands. La cellule de recrutement avait bossé cet été, Florian Maurice n’avait pas chômé comme toujours, une structure se dessinait et on entrevoyait déjà les contours d’une équipe un peu hétéroclite, très étonnante, résolument inédite et néanmoins compétitive. Sur le papier, du moins. Parce que la réalité a été tout autre : un démarrage poussif, des automatismes à trouver, une charnière centrale, verte et inexpérimentée, qui ne donnait pas entière satisfaction malgré la confiance inébranlable d’un Bruno Génésio sceptique. Une attaque jeune et désordonnée mais, surtout, le saint des saints, un milieu de terrain qui toussait, qui tournait sur trois cylindres, qui peinait à proposer ce que les supporters étaient en droit d’attendre de footballeurs de ce calibre.

Alors, bien sûr, une équipe, c’est une structure, une entité mouvante composée de maillons indissociables les uns des autres, des rouages complémentaires, une machine bien huilée. Mais ici, exit la défense et l’attaque, c’est ce qui se situe entre les deux qui va nous intéresser : le milieu de terrain, le joint entre les deux roulements à billes, la graisse dans les engrenages, le noyau cartilagineux entre deux vertèbres.

Et ce milieu de terrain, force est de constater que ses mouvements ont été plus que déroutants depuis le début de l’exercice, jugez par vous-même.

Benjamin, Baptiste et les autres

Pourtant, ça se présentait bien, au départ : entre les costauds qui sont restés comme Bourigeaud ou Santamaria, ceux qui promettaient comme Désiré Doué ou Jeanuel Bélocian et les artistes qui excitaient comme Blas, Le Fée ou Rieder, on allait voir ce qu’on allait voir. Et, pour finir, l’homme chargé de donner une nouvelle dimension au club, le Serbe Nemanja Matic en provenance du sérail de Mourinho. Ze cherry on ze cake, comme on dit dans les milieux bien informés.

Ensuite, ce fut la valse des associations, la recherche assidue de complémentarité. Et le sombre cortège qui va avec, qui pointe son nez : les interrogations, les déceptions, les relations, les désertions, les ambitions…

Au commencement était Danzé. Bon, je m’égare, je « nostalgie ». Mais pas tant que ça. Danzé représentait l’institution, l’homme fiable, le gars sûr comme on dit aujourd’hui. Et, bien entendu, des gars sûrs, il y en a dans cette équipe. Je pense notamment à Benjamin Bourigeaud, un milieu de terrain très offensif, ce qui le classe d’emblée dans la catégorie des attaquants, au même titre qu’un Désiré Doué, pétri de talent et très attiré par le but. Belocian ? Au vu de l’énigmatique fébrilité de son compère Warmed Omari, il est descendu d’un cran, par nécessité. Pour rassurer, combler. Presque pour quantifier, finalement. Un Ludovic Blas très talentueux qui ne s’impose pas, qui déçoit malgré des stats encourageantes, un ancien Canari peut-être mal utilisé.

Et puis le drame…

Et quand une ossature séduisante a commencé à s’esquisser avec le géant Nemanja Matic qui apportait sûreté, combativité et expérience associées à la technique, la vista et la jeunesse d’un Enzo Le Fée, tout s’est illuminé, tout s’est clarifié, tout s’est… écroulé. Le premier a brutalement quitté la Piverdière, vidé son casier, acheté un billet de train, sans que la raison ne soit réellement connue, même si des hypothèses ont été émises à droite et à gauche, tandis que le second, contre Nice le 13 janvier dernier, a malheureusement senti ses adducteurs l’abandonner. Pire, car la fatalité est retorse et taquine : Fabian Rieder, le supersub suisse qui commençait à accumuler les temps de jeu par ses performances de plus en plus convaincantes, quitte le terrain le même jour avec le métatarse en rideau. Plusieurs mois de convalescence. Le milieu de terrain des Rouge et Noir devient, à ce moment-là, un champ de ruines, un no man’s land sans leader, sans joueurs, sans avenir.

Le bleu de chauffe

Seulement, le Stade Rennais a franchi un cap. Un statut, messieurs, dames, un statut. Et un statut, c’est aussi réjouissant qu’une malédiction. Ça vous pose une équipe, toutefois, ça doit s’accompagner d’une certaine arrogance. On acquière du respect, mais ça se mérite, ça s’impose. Et, surtout, il faut de la qualité pour se maintenir à ce niveau. Alors, il va bien falloir colmater les brèches, repeupler un milieu exsangue, redonner de l’espoir au peuple rennais. Le staff se remet au boulot pour un mercato d’hiver aussi copieux que l’estival, presque des conditions d’intersaison.

On s’interroge, on se concerte, on se met d’accord, on s’intéresse un temps à Pierre Lees-Melou, un profil parfait pour la vacance : une forte expérience de la Ligue 1 et un concurrent voisin à dépouiller. Seulement, le Stade Brestois tient bon et ne le lâche pas. Florian Maurice abandonne la piste et renifle ailleurs, toujours en Ligue 1, toujours chez un concurrent, du côté de la Cité des Sacres. Avec le consentement de Julien Stéphan, il jette son dévolu sur Azor Matusiwa. Et, bonne nouvelle, le milieu de terrain défensif, formé à l’Ajax, est en chemin pour rejoindre l’arène du Roazhon Park avec, dans ses bagages, des qualités indéniables d’anticipation, de relance et de projection verticale. Un joueur hybride, probablement capable de tenir plusieurs rôles au sein d’un effectif jeune, c’est peut-être ce qu’il manquait aux Rouge et Noir.

L’avenir nous le dira et nous donnera, je l’espère, de belles occasions de rêver encore, de tutoyer les étoiles et de continuer à participer, saison après saison, au banquet des seigneurs. Parce que Rennes a un statut, messieurs, dames, un statut.

David BAUDET

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