Que s’est-il passé au Stade Rennais ?

L’exercice 2024/2025 est (enfin) terminé. Jamais en course pour l’objectif affiché qu’était l’Europe, le Stade rennais a même dû batailler, un temps, pour ne pas descendre. Un échec qui interpelle et qui demande d’essayer de trouver les causes d’un marasme encore inimaginable il y a moins de deux ans.

Le Stade Rennais a clos au Stade Vélodrome une saison catastrophique. Catastrophique, car le club n’est pas européen et ne figure même pas dans le top 10 de la L1. Catastrophique, car de nombreux investissements estivaux et hivernaux n’ont pas porté leurs fruits. Catastrophique, car le club, en ayant changé trois fois d’entraîneur, une fois de président et deux fois de directeur sportif en l’espace d’un an, montre qu’il est instable et mal gouverné. Bref, peu de choses tournent rond. Du boulot, il y en a d’ici à la prochaine saison de L1. Mais avant tout bon remède, il faut un bon diagnostic, dresser les bons constats. Autopsie d’une saison scandaleusement manquée. 

Le maintien de Julien Stéphan, fausse bonne idée

Dimanche 17 mars 2024, sur les coups de 19 heures. Coup de sifflet final au Roazhon Park. Les Rouge et Noir disposent de l’OM 2 à 0 et peuvent plus que jamais croire à un destin européen. A la tête de l’effectif, une tête bien connue : Julien Stéphan. “Le génie breton” a repris les rênes du club en décembre 2023 et a redressé l’équipe de manière spectaculaire, s’extirpant du bas de tableau pour la ramener à seulement 4 points de la Ligue des champions. Suffisant pour amener les dirigeants à prolonger de deux ans l’entraîneur fétiche de François Pinault. Mais patatra ! Les Rennais enchaînent les déconvenues pour finir à une triste 10e place. Que s’est-il passé ? La prolongation de Julien Stéphan a-t-elle créé des remous en interne ? Dans le vestiaire ? A la suite de cette saison, de nombreux cadres plient les gaules : Bourigeaud, Terrier, Theate, Le Fee… Des rumeurs courent sur le manque d’atomes crochus entre l’entraîneur et une partie de l’effectif. Il y a sans doute une part de vrai. Toujours est-il que Rennes perd déjà gros .Car jamais ces piliers n’auront été remplacés.

 Par la suite, Julien Stéphan n’a jamais su être en mesure de tirer la quintessence de ses joueurs. Niveau de jeu inquiétant, équipe jamais capable de faire basculer un match, communication parfois étrange comme cette sortie avant Le Havre où le coach voyait cette rencontre “ une opportunité de faire fermer des bouches”…Ce sera d’ailleurs sa dernière victoire, au bout de l’ennui (1-0). Une semaine plus tard, le 3 novembre 2024,l’humiliation à Auxerre (4-0) sera son dernier match. “Enfin”, se disent les supporters. Ils (nous) ne sont pas au bout de leur surprise.

L’échec Massara

On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on gagne. Jamais la célèbre maxime aura pris sens au Stade Rennais. Recruté en remplacement de Florian Maurice au poste de directeur sportif, l’Italien n’aura pas su construire un effectif cohérent. Gronbaek, Ostigaard, Meister, Hateboer, Gomez, Faye, Jota… autant de joueurs dont l’apport aura été inexistant ou, au mieux, irrégulier. Certains étaient remplis de promesses, comme l’ancien joueur de Bodo Glimt et celui du Celtic. Mais au-delà du niveau intrinsèque, un directeur sportif doit aussi évaluer le rendement à court terme du joueur ciblé. Force est de constater que Massara s’est trompé. Sans doute, misait-il sur un meilleur départ en L1 du SRFC pour permettre à ces joueurs de s’acclimater, soit car la forme physique n’était pas au rendez-vous (Jota), soit car la L1 était aux antipodes de ce qu’ils avaient connu. Au lieu de ça, la situation périlleuse de l’équipe a obliger ces joueurs « stars » de ce mercato à se révéler d’emblée. Ce qui n’était pas dans leurs cordes.

Massara avait un CV clinquant, notamment de par son passé en tant que directeur sportif du Milan AC. Mais il n’a pas résisté à l’épreuve du Stade Rennais. Le SRFC n’est pas le Milan AC, c’est une lapalissade. Mais il semble important de le rappeler tant le club n’a pas les mêmes besoins et n’offre pas le même contexte que son ancien adversaire en Ligue Europa. Néanmoins, il faut reconnaître que l’ancien directeur sportif (remercié le mercredi 15 mai par le club) a hérité d’une situation difficile où il aura fallu gérer de nombreux départs. Son arrivée tardive a aussi pu jouer dans sa manière de construire l’effectif. Méritait-il une seconde chance ? Peut-être. Toujours est-il que son passage ne sera pas inoubliable aux yeux des supporters. 

Le mercato raté

Il rejoint le précédent paragraphe. Le Stade Rennais a dépensé, environ, 80 millions d’euros cet été. Seul le trio PSG, OL, OM s’est montré plus dépensier. Les Rouge et Noir se sont trompés dans les grandes lignes en recrutant peu de joueurs aguerris à la L1. C’est un secret de polichinelle : la Ligue 1 est un championnat rude, physique. Massara et ses scouts ont-ils sous-estimé l’élite du football français ? Probablement. Les Gomez, Gronbaek, Ostigaard, Jota comme évoqué plus haut n’auront jamais su s’adapter à ce championnat qu’il ne connaissait pas. La cohésion du groupe mérite aussi d’être soulignée, Florian Maurice avait réussi à construire un groupe de potes. Difficile d’en dire autant avec cet effectif… où les nationalités étaient nombreuses. Cet hiver le club a pris des risques en enrôlant des joueurs confirmés à salaire important, tels que Seko Fofana ou Brice Samba. Une stratégie assumée mais qui devra être validée par une qualification européenne en mai prochain…

Sampaoli, l’erreur de casting 

On pensait que Jorge Sampaoli allait ressusciter un groupe atone. Finalement, il l’aura enfoncé encore plus bas, à une place de barragiste au soir de la défaite face à Brest (1-2) lors de la 20ème journée. Son dernier match. Lui comme Julien Stéphan et, ensuite Habib Beye, avait un système à 3 défenseurs en tête. Mais l’Argentin est arrivé en Bretagne avec la philosophie de densifier cet effectif défensivement. Bien plus que Julien Stéphan déjà conservateur dans son approche. Cela s’est vu et Rennes n’était clairement pas fait pour ça. Les réceptions de l’OM et d’Angers ainsi que la purge au Stade de l’Aube sont encore dans les esprits. Jamais Sampaoli n’aura réussi à rendre cette équipe plus dangereuse. Seul succès notable ? Une victoire 5 à 0 face à Saint-Etienne, pire équipe de L1 à l’extérieur et… reléguée en L2. Maigre référence. 

Une gouvernance illisible

C’est le dernier point et non le moindre. 4 entraîneurs, 3 directeurs sportifs et deux présidents se sont succédé en moins d’un an. De Maurice à Désiré, de Stéphan à Beye et de Cloarec à Pouille, le moins que l’on puisse dire, c’est que les Pinault et le club en général ne savent plus sur quel pied danser. Autant de mouvements, ça interpelle. Quel joueur accepterait de venir dans un club aussi instable ? Et pour ceux déjà présents, comment être mobilisé sur le terrain quand on sait ce qui se trame en coulisse et qu’à tout moment, le projet dans lequel il s’est engagé pourrait être remis en cause ? Un joyeux bazar qu’il est temps de stopper. Désiré, Pouille et Beye, voilà le nouveau trident pour la saison à venir. Espérons que sa durée de vie soit supérieure à 12 mois… 

Mathis Eon


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